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Livres Uniks Six

Claire Angelini, Barbara Beisinghoff, Nils Bertho, France Bizot, Bruno Bressolin, Frédéric Fleury, José Maria Gonzalez, Horst Haack, Théodora Kanelli, Johann Manfred Kleber, Thomas Paul Konietschke, Maycec, Tino Di Santolo,
En partenariat avec l’espace Topographie de l’art.
Commissaire : Horst Haack
Catalogue d’exposition

17 x 21 cm
72 pages en couleurs
Broché à rabats
15 €
ISBN : 978-2-36669-085-9

Catalogue disponible à la galerie

Topographie de l’art
15, rue de Thorigny, 75003 Paris
www.topographiedelart.fr

Le mot dans l’image

Thomas Paul Konietschke

Nous parlons. Nous prononçons des mots. Nous parlons avec des mots que nous échangeons, et les mots sont porteurs de sens, d’information. Si nous pouvons nous comprendre, c’est que nous nous accordons sur le sens des mots.
L’image, elle aussi, peut parler – il n’y a pas d’image muette. Une image parle à travers des couleurs, qui sont ambivalentes par définition. Elle parle à travers des formes ; ces formes peuvent devenir des symboles, elles sont davantage un langage concret. Même une image « vide » (en existe-t-il ?) parle.
Si l’écriture s’introduit dans une image, elle devient, avec ses mots, partie intégrante de l’image dans notre perception.
En tant qu’instrument conceptuel, quand l’écriture est aussi une partie conçue de l’image, il importe de savoir si elle vise à être une information, un moyen de composition, ou bien les deux.
L’écriture dans l’image incite à lire – réflexe de notre expérience quotidienne –, de la même manière que nous percevons d’abord un visage dans l’image, que notre attention se focalise d’emblée sur un visage, et ensuite nous discernons et lisons les formes, les couleurs, le matériau, etc. Cette écriture-là peut être une médiation vers le « discernement » et elle peut initier de bonnes ou de fausses pistes (sommes-nous censés discerner un sens ?). En caractères d’imprimerie ou manuscrite, elle induit une lecture, sous la forme d’un simple fragment écrit ou d’une calligraphie, de manière enfantine ou savamment conçue, tracée distraitement ou gribouillée en passant, maladroitement à dessein ou le plus objectivement possible. Ainsi le spectateur tentera-t-il de découvrir quelle fonction, quelle place occupe l’écriture. Selon le genre d’écriture et de lecture, l’image devient plus éloquente, plus frappante, peut-être plus énigmatique, plus poétique… Le signe archaïque des origines, gravé sur la terre, peint sur les murs, mystérieux, fragment d’écriture en tant que force d’ouverture ou de fermeture, recèle du poétique. L’écriture est réalisation, elle est une forme : ligne, surface, manque, creux, perspective diminuée ou agrandie, elle ondoie, ses angles sont aigus ou durs, ou bien ses courbes sont lisses : elle a une texture. Et ne marchons-nous pas sur elle comme sur un sol rocailleux, comme sur des feuilles mortes, parmi les herbes d’une prairie ou sur un terrain mouvant, marécageux ?
L’écriture est une réalisation, elle devient une forme : l’assemblage d’un matériau linguistique devient poésie, par exemple le cut-up (découpage et réassemblage intentionnel ou aléatoire d’un tapuscrit), comme technique poétique, est son correspondant matériel : le signe écrit devient matériau poétique, sa forme apparaît à nos yeux.
La langue est structurée. Elle peut être une condition, une nécessité pour composer une nouvelle ou un poème, par exemple. Couleurs, surfaces, contours constitués en image peuvent cependant susciter des réactions très différentes, multiples – mentales, émotionnelles, mémorielles, théâtrales. Dès lors qu’une image s’enrichit d’écriture, de caractères écrits, se produit une irruption dans la fluctuation des couleurs, les lignes et les surfaces sont appelées à d’autres « tâches », elles sont en quelque sorte chargées par les mots et elles accèdent à un autre plan préparé par les mots : le spectateur devient aussi le lecteur, une autre orientation mentale – une orientation associative – devient possible.
Une pensée rendue visible – fixée dans l’image en tant qu’écriture, en tant que mot peint, application ou partie d’une installation – me semble se retrouver au travers des plus récentes évolutions technologiques de la communication, de l’intelligence artificielle, masses de mots pressées et oppressantes, dans une course de plus en plus rapide, tel un ultime et archaïque signe précieux de l’humain, de l’extraordinaire et merveilleuse expression humaine.